Des Egyptiens que j’ai connus à Paris (19) Kamel Zuhayri ou une glace à Paris.
Les Causeries du vendredi à Paris
Des Egyptiens que j’ai connus à Paris (19)
Kamel Zuhayri ou une glace à Paris.
Le monde du journalisme est plein de journalistes ordinaires relativement talentueux pour qui l’on peut dire que le journalisme est un gagne-pain. Et il y a une minorité de journalistes encyclopédiques géniaux, dans chaque branche de la connaissance, ouverts sur les cultures du monde. C’est le cas du grand journaliste disparu Kamel Zuhairy.
Il était président du Syndicat des journalistes à l’époque de Gamal Abdel Nasser, il a été rédacteur en chef de divers journaux, une étoile de la gauche égyptienne et du journalisme dans les années soixante et soixante-dix. Il a publié divers livres dont le plus connu est « Le Nil en danger », qu’il m’a dédicacé à Paris lors de notre première rencontre à l’occasion de la préparation de l’année « Egypte-France : horizons partagés », dont j’ai déjà parlé, et son but était de célébrer les 200 ans passés depuis la Campagne d’Egypte, qui s’est transformée par la suite en « Célébration de deux siècles de relations égypto-françaises ».
Kamel Zuhayri présidait la délégation égyptienne au Comité conjoint chargé de préparer ces célébrations, tandis que c’était l’ambassadeur disparu Pierre Hunt qui présidait la délégation française. Mon amitié avec les deux hommes avait largement contribué à résoudre les problèmes que l’on peut imaginer dans ce genre d’activité culturelle conjointe entre les pays.
La culture encyclopédique de Kamel Zuhayri et son amour pour la culture, les arts et les lettres françaises permirent d’organiser ces activités de manière honorable. Nous marchions ensemble dans les vieilles ruelles du Quartier latin et parlions longuement de l’histoire de ces relations, de leurs spécificités de leurs secrets, et cela fut le début d’une grande amitié entre nous, au point que lorsqu’on lui confia la création de la Grande Bibliothèque du Caire, dans le quartier de Zamalek, j’ai joué le rôle d’intermédiaire et de correspondant auprès des responsables français à Paris .Nous avons eu de nombreuses correspondances à propos de ce grand projet.
Kamel Zuhayri adorait Paris et l'ambiance de liberté qui y régnait, au point d’acheter délibérément une glace et de la manger en marchant dans les rues de Paris, pour le simple envoûtement et la jouissance non pas du goût de la glace, mais de celui de la liberté parisienne.
Le grand homme disparu m’a poussé à publier l’annexe à ma thèse de Doctorat à la Sorbonne, qui état une traduction en arabe du manuscrit du philosophe allemand Leibniz « Le Projet égyptien » (Consilium Aegyptiacum).
Et lorsqu’il m’accompagna au bureau de l’autre grand homme défunt Moustapha Nabil qui était rédacteur en chef de la collection du Kitab al Hilal, j’ai signé le contrat de publication de ce manuscrit de la Sorbonne dans la collection, qui a été publié de fait en 1994, avec une riche préface de Kamel Zuhayri.
ce fut ma première publication en arabe en Egypte.
Kamel Zuhayri adorait lire en français, qu’il parlait couramment, et ses fils, et en particulier le grand journaliste Amr Kamel Zuhayri, ont hérité de lui son amour pour le français et sa littérature.
Si j’ai indiqué qu’il avait l’art de combiner le journalisme et la culture au sens large et l’amour du savoir, comme c’est le cas de Mohammad Hassanein Haykal ou de Mohammad Salmawy, c’est que cela leur donne une dimension humaine et civilisationnelle qui a un impact énorme sur leur peuple.
Kamel Zuhayri était un ami cher, qu’on ne pouvait oublier après l’avoir rencontré ni après l’avoir lu.